Résumé des guerres d'Afrique: 1851, campagnes du général de Saint-Arnaud

Voici un document décrivant les campagnes menées par le général de Saint-Arnaud en 1851 en kabylie orientale. Ce texte est un classique du genre, qui présente tous les combats comme des 'affaires rondement menées', qui omet scrupuleusement de détailler le rapport des forces en présence et ne dénombre pas les soldats français blessés ou tués dans les combats - l'auteur se borne à dire que les Kabyles ont exercé "la plus énergique résistance".

Toutefois, ce qui est intéressant ici est le niveau de détail du récit, un grand nombre de tribus de la région sont citées, ce qui permet aussi de bien visualiser la progression des troupes françaises jour après jour.

 

 

Extrait du texte pour l'année 1951

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Pendant ce temps, le général de Saint-Arnaud, commandant de la Province de Constantine, achevait de réunir à Milah la division qui, sous ses ordres, devait visiter les tribus kabyles situées dans le triangle montagneux compris entre Philippeville, Djidjelli et Milah. Douze bataillons, huit pièces de camapgne et quatre escadrons avaient été désignés pour prendre par à cette expédition, dont l'urgence était depuis longtemps démontrée. Les deux brigades organisées commencèrent leur mouvement le 8 Mai, et bivouaquèrent le 10 sur l'Oued-Dja; le 11 elles atteignirent le Fedj-Beïnen et descendirent jusqu'au fond du ravin de l'Oued-Dja, et à la sortie duquel elles allaient rencontrer, de la part de 5 à 6000 kabyles, la plus énergique résistance. L'ennemi, en effet, s'était fortement retranché dans les villages qui dominent le pays. Mais bientôt la position de Kasen est enlevée à la baïonette par trois colonnes d'attaque qui s'élancent avec  ardeur, renversent tout ce qu'elles rencontrent sur leur passage et occupent les trois cols des Ouled Askar.

Le lendemain 12, tandis que le reste de la division prend le repos qu'elle a bien gagné, quatre bataillons sans sacs et la cavalerie partent pour aller brûler les villages des Beni Mimoun et des Ouled Askar. Nos pertes ont été minimes comparativement à celles éprouvées par les kabyles, qui cherchent en vain à défendre leurs habitations.

La journée du 13 fut meurtrière; le pays à parcourir était d'une extrême difficulté; le sentier étroit dans lequel le convoi dut être engagé serpentait au milieu de taillis épais, dominés de tous côtés par des positions que l'infanterie devait successivement occuper et évacuer en marchant. Des engagements très vifs, où nos troupes conservaient toujours leur supériorité, avaient lieu en tête, en queue et sur les flancs.

Le 14 Mai, la division soutint comme la veille des engagements très vifs, tout en continuant à descendre, au milieu de sentiers impraticables, vers l'embouchure de l'Oued el Kebir. Partout l'ennemi fut forcé de nous livrer passage.

Bientôt, le pays s'élargissant, on sortit du massif montagneux pour entrer dans la plaine; le 15, avant de quitter le bivouac de Djenaah, une attaque fut dirigée contre les plus beaux villages des deux rives de l'Oued el Kebir; mais déjà l'ennemi n'opposait plus qu'une faible résistance, et le général de saint Arnaud établissait le 16 son bivouac sous les murs de Djidjelli, où le gouverneur général était arrivé dans la nuit du 14 afin de juger par lui-même de la situation et aviser aux moyens de parer à toutes les éventualités.

D'après ses ordres, une colonne de troupes, fournie par la division d'Alger, se porta en avant de Sétif, sur la route de Bougie, de manière à rétablir les communications entre ces deux villes, et châtier les tribus qui s'étaient laissé entraîner par Bou-Baghla.

Deux jours de repos furent donnés aux troupes expéditionnaires avant de reprendre leur marche victorieuse.

Dans la matinée du 19, la division quitte Djidjelli et va établir son camp à Dar el Guidjali, au centre des Beni Amran. Dix bataillons sans sacs se forment en trois colonnes et s'élancent avec la cavalerie et l'artillerie sur les hauteurs que les masses kabyles occupent à gauche du camp. Rien ne peut résister à l'élan de nos soldats; en peu d'instants toutes les positions sont enlevées à la baïonette, et l'ennemi, poursuivi pendant plus de deux heures, éprouve de grandes pertes. La cavalerie sabre bon nombre de fuyards; plus de 50 villages, entourés de vergers et de jardins,  sont ravagés; en outre, les Beni Amran, Beni Khettab et Beni Foughal, principales tribus du cercle de djidjelli, comptent une centaine de

morts et se retirent avec un très grand nombre de blessés.

Le lendemain 20, la division obtient un succès important et plus décisif. Les kabyles couronnent une crête boisée à 4 kilomètres du camp; leur gauche s'appuie à un ravin profond et escarpé, tandis que leur droite touche à une plaine peu accidentée et terminée par un plateau qui, s'abaissant par mamelons étagés, permet de tourner la position et d'arriver par derrière jusqu'au ravin de gauche. Les mouvements de nos troupes s'exécutent avec une célérité admirable; la cavalerie sabre tout ce qu'elle rencontre dans la plaine, et arrive bientôt au seul passage de retraite des Kabyles; mais déjà l'infanterie, lancée au pas de course, occupe les principales hauteurs; l'ennemi est précipité dans le ravin, fusillé à bout portant par nos soldats à travers les broussailles et les rochers; il laisse sur le terrain 3 à 400 hommes. Le général reçoit le lendemain la soumission des Beni Ahmed, des Beni Khetab et des trois grandes fractions des Beni Amran, les Achaïch, les Ouled Bouïra et les Ouled ben Achaïr.

Le 24, la division arrive à Tibaïren, dans le Ferdjiouah; le 25, deux bataillons et deux obusiers de montagne se séparent de la colonne pour aller rallier les troupes opérant dans le cercle de Bougie.

A peine arrivée au milieu des Beni Foughal, la division attaque les rassemblements qui voulaient lui disputer le passage; elle les culbute pendant les journées des 26 et 27, leur tue beaucoup de monde et incendie leurs villages. A partir de ce moment, la division s'avance sans avoir à titer un coup de fusil; les Beni Foughal et les Beni Ouarzeddin viennent faire leur soumission et nous livrer des otages; la plupart des tribus situées à l'ouest suivent le même exemple en déclarant qu'elles renoncent à faire la moindre résistance; la colonne retourne se ravitailler à Djidjelli.

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Reprenant le cours de ses opérations aux environs de Djidjelli, le général de Saint Arnaud quitte de nouveau cette ville, le 5 (ndlr:le 5 juin), à la tête de sa colonne qu'il dirige vers l'ouest, au milieu des tribus qui, quelques jours auparavant, s'étaient contentées de faire des promesses qu'elles n'avaient nullement intention de tenir.

Le 9, le général atteint les Beni Aïssa dont il brûle les villages. Cet engagement suffit pour décider les rebelles à faire leur soumission. Le 10, la colonne bivouaque chez les Beni Maad, tribu considérable où se trouvaient réunis tous les contingents d'Ouled Nabet, Ouled-Ali et Beni Marmi. Pendant deux jours nos troupes eurent à enlever les positions  occupées et défendues avec acharnement par les kabyles. L'ennemi, poursuivi sur tous les points, perd beaucoup de monde dans ces combats; les Beni Maad et les Beni MArmi n'ont  d'autre parti à prendre que d'accepter nos conditions.

La division marche, le 12, sur Ziama, et rencontre les contingents des Ouled Nabet et des Beni Segoual prêts à lui dsiputer le passage du col qui sépare les bassins de l'Oued Mansouria et de l'Oued-Ziami.

Les Kabyles, ne pouvant résister à l'ardeur de nos troupes, lâchent bientôt pied et nous abandonnent la position. Le soir-même,le général voit arriver au camp les Ouled-Nabet et les Beni Segoual qui demandent l'aman.

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Vous trouverez aussi dans ce document des passages concernant la soumission des Ouled Attia de Collo, en 1851 et 1852, ainsi que le détail des soumissions des tribus situées un peu plus loin sur la route de Bejaïa.

Références

Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie - résumé historique des guerres d'Afrique

J. Barbier

Librairie Hachette et Compagnie, Paris, 1855.

Vous pouvez télécharger via Google Books un exemplaire de ce livre appartenant à la New York Public Library - Astor Library.