Monsieur Molènes, ou les attraits touristiques d'une campagne militaire

Voici un texte écrit par Paul Dieudonné de Molènes, un gentilhomme bienheureux qui a suivi le corps expéditionnaire français pendant toute la campagne de soumission des Babors - voyage retranscrit ensuite dans son livre 'Histoires Intimes'.

 

Pour tout vous dire, ce livre est extraordinairement inintéressant, et il ne livre que très peu d'éléments historiques objectifs (ni même subjectifs)!
Tout au plus apprend-on que les troupes de Bosquet campèrent 8 jours à Ziama, et encore sans plus de détails. L'auteur parle peu des combats excessivement violents et meurtriers qui l'entourent, à le lire on penserait plus à une promenade de santé dans un lieu bucolique.


Heureusement, des termes choisis avec finesse, un 'sauvage' par ci, un 'gredin' par là, nous rappellent tout de même que le but final est bien de soumettre des 'peuples primitifs'...

Quand on fait des recherches, on tombe forcément sur des livres 'd'époque' assez caricaturaux, et celui-ci n'est certainement pas le plus virulent. Vous devez donc vous demander pourquoi j'ai choisi ce livre... Eh bien, cet ouvrage propose un mélange assez étonnant de colonialisme mâtiné de guimauve romantique, le tout dégoulinant de pseudo-érudition: le cocktail est 'original' et en tout cas très surprenant.

 

Voici un extrait du livre: cela se passe lors du départ de Ziama, après la clôture de la première étape de la conquête des Babors.

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Pourtant notre départ pour Ziama fut marqué, pour moi, par un spectacle d'une vive et originale beauté: ce fut un lever de soleil au bord de la mer, dans les plus étranges conditions. Tandis que la nature de droite était toute chrétienne (ndlr: suite à la première messe en kabylie), celle de gauche était toute païenne. A droite, ce sont des montagnes ascétiques, des profils de granit effilés, des élévations solitaires qui semblent attendre des demeures d'anachorète. Au-dessus d'une de ces hauteurs s'élèvait en ligne directe, d'une correction inflexible, une étoile isolée qui rappelait l'hostie soulevée par un miracle au-dessus du calice. A  gauche, c'est la méditerranée qui regarde l'aurore de l'ancien monde, prête à jeter son sourire aux humains. On sent que l'aimable déesse est à demi sortie de la couche où dort son vieil époux. Comme des draperies qu'elle n'a pas fixées encore sur ses memebres charmants, des voiles de teint rose, de safran et de pourpre flottent à l'horizon. Tout à fait au-dessus des flots, sans une région qu'envahit déjà la lumière, tremblent des étoiles prêtes à s'évanouir, qui ressemblent à des danseuses surprises dans une salle de fête par la clarté du jour.

D'un côté je lis l'Evangile, et de l'autre je lis Homère.

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Ce livre aurait donc bien pu s'appeler 'Flâneries dans les Babors: les vacances de Monsieur Molènes'. Et même après plusieurs lectures, je suis toujours aussi étonnée qu'un homme ait pu 'ramasser des pâquerettes' en levant à peine le nez pendant qu'autour de lui se déroulaient des combats acharnés.

Voici donc un livre qui vous fera sourire tant il est ridicule, mais qui vous laissera sûrement aussi un goût bien amer dans la bouche.

 

Pour lire ce livre ou le télécharger, vous pouvez cliquer ici
(pages 181 à 208 en particulier)

 

Références:
Paul Dieudonné Molènes
Histoires intimes
Michel Lévy frères, Paris, 1860
L'original de ce livre est disponible à la Lenox Library/New York Public Library.

 

Pour lire ce livre ou le télécharger, vous pouvez cliquer ici
(pages 181 à 208 en particulier)