La saga de la karasta, épisode 2

Voici le deuxième article de Charles Féraud portant sur la Karasta: c'est assurément le plus intéressant des trois articles publiés sur le sujet. Vous y trouverez le détail des pièces de bois préparées pour les turcs, le rôle joué par la Tribu des Beni Foughal, et aussi une description du fonctionnement global du système d'approvisionnement en bois de la marine turque, depuis la commande jusqu'à la livraison.

Dans cet article Féraud fournit aussi une explication à la présence d'une branche des Beni Foughal de la région de Guelma: la tribu prospère mais disposant de très peu de terres cultivables obtint des Beys et Pachas la jouissance de terres cultivables, et certains membres des Beni Foughal furent envoyés sur ces nouvelles terres pour que la tribu puisse tirer profit de ces terres cultivées.

Exploitation des forêts de la karasta, sous la domination turque (1) (suite)

 

Avant de continuer à traduire et à commenter les manuscrits mis à notre

disposition, il convient, je pense, de donner ici quelques détails sur les procédés

employés par les Turcs pour l'exploitation des forêts qui couronnent les montagnes du golfe de Bougie. Ce rapide coup-d'oeil rétrospectif fournira divers

éclaircissements sur une importante question économique qui mérite d'être étudiée avec soin.

La teneur et la forme emphatique des deux diplômes qui précèdent indiquent

suffisamment comment s'y prenaient les nouveaux dominateurs pour se créer des partisans parmi les personnages les plus influents de la contrée, une telle alliance leur donnait une liberté d'action qu'ils n'auraient jamais pu acquérir s'ils étaient restés réduits à leurs propres ressources. Ajoutons aussi que les Oulad-Amokran n'étaient pas seuls en possession de privilèges; des faveurs analogues furent accordées égaIement et au même titre à une nombreuse série d'autres marabouts de second ordre, résidant dans les montagnes du Babor, du Tababort et des contreforts environnants (2). Les Turcs affectaient d'accorder

libéralement ce qu'ils ne possédaient point eux-mêmes, car il est certain que si les populations kabiles, se sentant lésées dans leurs intérêts, avaient fait la moindre opposition à ces actes de favoritisme, il eût été impossible, dès le début, de les y contraindre, par des moyens plus énergiques. Une colonne de

troupes turques, quelque nombreuse qu'elle eût été, n'aurait jamais eu la hardiesse de pénétrer dans ces montagnes où l'influence religieuse, stimulée elle-même par la vénalité, pouvait seule amener un résultat satisfaisant. Du reste, le chevalier d'Arvieux qui visita Bougie en 1670 (3), c'est-à-dire douze ans avant la délivrance du diplôme de Sidi Abd-el-Kader Amokran transcrit plus haut << trouva cette ville dans le plus pitoyable état; les maisons étaient en ruines; les Turcs n'osaient plus sortir de leur port; les Kabiles du voisinage leur

faisaient une guerre acharnée et se battaient contre eux dans toutes les rencontres. >>

Mais à cette époque, comme aujourd'hui encore, les indigènes étaient avides d'honneurs et de gloriole: l'obtention d'un diplôme, revêtu du cachet du cher politique, devait être chose fort recherchée; cette marque de distinction flattait leur vanité puérile et devenait surtout une source de privilèges lucratifs. Donc, relevés dans la considération publique par ce double privilège, les marabouts avaient naturellement intérêt à faire observer et respecter strictement les prescriptions des diplômes dont ils étaient porteurs; ils devenaient aussi plus

pressants et plus exigeants que les Turcs eux-mêmes.

 

Ainsi que nous l'avons dit, une sorte de pacte d'alliance existait entre les Turcs et 1a famille de Sidi Mohammed Amokran, nous voyons dans le titre délivré en 1702 par le Pacha Si Moustapha-Dey, que l'exploitation des forêts de la Karasta

n'était pas la moindre des charges confiées à cette famille. Les bois de marine dont on avait besoin furent d'abord tirés des forêts des Beni-Mimoun et des Beni-'Amrous, tribus forestières les plus rapprochées du port de Bougie. Plus tard, vers 1750, d'autres bois d'une qualité supérieure, c'est-à-dire d'une texture plus ferme et résistant davantage à la rupture, en un mot le chêne Afarés, dit Tachta, ayant été découvert dans les forêts des Beni-Four'al, l'exploitation au profit de la marine algérienne se porta presque exclusivement sur ce nouveau point, Mais, comme l'influence des Oulad Amokran n'était pas suffisamment établie dans celle région, les Turcs déterminèrent Si el Hadj Ahmed el-Mekki, fils du cheïkh Abd-el-Kader Amokran, à aller fixer sa résidence à Djidjelli, d'où il pourrait mieux servir leurs intérêts. Voici le texte et la traduction d'un diplôme rappelant cette circonstance.

Louange à Dieu unique,

Faisons savoir à quiconque lira cet ordre généreux, cet écrit manifeste, resplendissant, d'entre les kaïds, notables et gens du peuple, les agents et tous ceux qui sont chargés de l'administration des populations, notamment dans la petite ville de Djidjelli, que nous avons laissé tomber nos faveurs sur le porteur du présent, le trés-élevé, l'excellent Sid el- Hadj Ahmed el-Mekki, descendant du chef religieux Sidi Mohammed Amokran, que Dieu nous fasse participer aux

grâces qu'il lui a accordées, amen. Nous l'avons nommé marabout de la petite ville de Djidjelli... Nul d'entre les gens de la garnison ne pourra l'inquiéter; ni l'agha de la Nouba, ni l'autre, soit habitant, soit soldat de la garnison de la petite ville de Djidjelli, ne portera atteinte à la considération dont il jouit. Tout cela nous le faisons pour rehausser son prestige, en raison des services qu'il rend à la garnison de cette ville, en assurant le transport de ses approvisionnements; à cause aussi de la mémoire de son aïeul sus-désigné et des secours qu'il prodigue aux pauvres et aux malheureux. Ecrit par ordre du très-élevé, de l'illustre notre maître le doulatli Sid Ali Pacha. A la date du

second tiers de choual, en 1168 (Juillet 1755) (4).

 

Ce qui précède explique les causes de la scission survenue entre les différents membres de la famille des Amokran de la vallée de Bougie. Le noyau principal resta à la Zaouïa d'Amadan, chez les Beni-bou Mçaoud, où on le retrouve encore de nos jours (5). Quant à EI-Hadj-el- Mekki, il devint la souche des Amokran de Djidjelli, représentés actuellement par Si Mohammed Amokran. kaïd

de la tribu des Beni-Sïar.

Malgré la richesse naturelle de leurs montagnes, les habitants des tribus des Beni-Mimoun; Beni Amrous, Beni-Four'al et autres, ne pouvant livrer à la culture que des espaces très limités, ont été exposés, à toute époque, à vivre dans un état voisin de la pauvreté; mais ils sont travailleurs; et l'industrie forestière, ainsi que la fabrication de la résine, leur offre des ressources qui les mettent à

même de prévenir la misère. Nous aurons l'occasion de dire plus loin combien leur situation devint précaire, lorsque notre conquête d'Alger anéantit la marine du pays et avec elle l'exploitation des forêts de la Kabilie.

 

Or donc, l'appât d'un gain facile, que dût leur faire entrevoir Si Amokran, contribua puissamment à aplanir les difficultés inhérentes aux débuts de toute entreprise; on finit par s'entendre et à tomber d'accord. Dans chacune des tribus que nous avons indiquées furent nommés des agents investis du titre de cheikh elkarasta, relevant directement du marabout. Ces fonctions ont été

presque héréditaires jusqu'en 1830 dans la famille de Ferhat chez les Beni-Mimoun et dans celle des Habilès-ben-'Aouaz chez les Beni-Four'al (6).

 

A Bougie résidait un personnage turc qualifié de ouzir-el- Karasta, emploi correspondant à peu près à celui de nos ingénieurs des constructions navales. Il avait pour adjoint un khodja, ou commis aux écritures, chargé d'enregistrer les livraisons de bois faites par les Kabiles et de les payer ensuite. L'ingénieur (nous lui conserverons ce titre) se rendait, quand il y avait nécessité, sur les trois pointS d'embarquement de la côte que nous allons indiquer: 

1° A l'embouchure de l'Oued-Zitoun; chez les Beni-Amrous, un peu à l'ouest du cap Aoukaz ,

2° Au petit port de Ziama, l'ancienne Choba, près de l'îlot de Mançouria ;

3° Et enfin à Taza, crique bien abritée pour le petit cabotage située à l'embouchure de l'Oued-Taza, chez les Beni-Four'al (7).

 

Cet ingénieur faisait débarquer certaines pièces de charpente devant servir de modèle type ou d'étalon et s'entendait avec le cheikh-el-Karasta de la localité pour la fourniture d'un nombre déterminé de pièces conformes au modèle apporté. Cette première opération terminée, l'ingénieur, toujours accompagné

de son secrétaire, était conduit dans les forêts, choisissait luimême les arbres qu'il convenait d'abattre et les martelait. Sa tournée achevée, il rentrait à Bougie attendant qu'on lui donnât avis que les charpentes commandées étaient prêtes à être livrées (8). Retournant alors sur les chantiers, c'est à dire en

forêt, il examinait le travail et marquait de nouveau celles de ces pièces qu'il avait acceptées pour qu'on les transportât sur la plage où avait lieu l'embarquement.


Chacune de ces charpentes était nécessairement désignée par un nom spécial en raison de sa forme et de sa destination; elles étaient aussi l'objet de taxes proportionnées à leur nature et au plus ou moins de main-d'oeuvre qu'elles avaient exigé.
1° La Krina, autrement dit la carène ou quille, longue pièce qui règne sous toute la longueur du navire, était payée à raison de 4 réaux bacetta la coudée (9)
2° El Maoudj, ou pièces courbes de l'étrave et de l'étambot, payées au méme prix;
3° La Rebiba, fausse quille, comprenant aussi la charpente des flancs de la coque jusqu'à la flottaison, 2 réaux bacetta la coudée;
4° El Hazem, la ceinture ou bau, madriers jointifs longeant le navire d'un flanc à l'autre et servant à affermir les bordages, 2 réaux bacetta la coudée;
5° El Koursia (10), les bordages au-dessus de la flottaison jusqu'aux rebords des bastingages, 1 réal bacetta la coudée;
6° Es-sari, le mât; ceux de la plus grande dimension payés 2 réaux bacetta la coudée;
7° Les rondins, madriers, poutres et planches de moindre grandeur, destinés aussi bien à la confection des bâtiments qu'à la construction des maisons étaient achetés en bloc moyennant un prix débattu au moment de la livraison sur la plage.
Il convient d'ajouter ici que toutes ces pièces au lieu d'être débitées à la scie, ce qui eût évité une perte considérable de temps et un surcroît de labeur, étaient apprétées à l'aide d'une erminette. Avec ce procédé primitif et défectueux, un tronc d'arbre ne fournissait guère qu'une planche ou un madrier.
Le paiement aux Kabiles s'effectuait ensuite de la manière suivante: à la seconde tournée de l'ingénieur, lorsqu'il allait reconnaître et recevoir les charpentes commandées, il établissait, à l'aide de son khodja, une note détaillée de ces charpentes et de leurs différents prix: te total de la somme se divisait en trois: un premier tiers dit arboun, les arrhes, était remis séance tenante au cheïkh el- Karasta de la localité qui le répartissait à parties égales entre tous les propriétaires de la forêt exploitée. Ce premier compte réglé, les Kabiles procédaient au transport des bois ouvrés, en les faisant glisser sur les pentes, les portant à bras ou les traînant à l'aide de cordes fournies par la marine
algérienne(11). Quand le tout était entassé sur la plage, l'ingénieur turc complétait le paiement des deux autres tiers, désignés par :
      - Hak el-Khedma, salaire du travail des charpentiers,
       - Et Hak-er-Refoud, prix de l'extraction de la forêt, du transport jusqu'à la plage et de l'embarquement.
Chez les Beni Four'al les deux premiers tiers, arboun et hak el-khedma, revenaient exclusivement, à la fraction des Ouled Khaled, propriétaires des arbres abattus et exécutant en même temps eux mêmes tous travaux de charpenterie. Le prix du transport était le partage d'autres populations
limitrophes telles que les Oulad Khezer, 0. Kacem, 0.Ouaret, Beni Mâad et Beni Aïça.
Des felouques d'un très-faible tirant d'eau allaient, dans le courant de l'été, le long de la côte, recueillir les bois apprêtés et les rendaient au port de Bougie où des navires d'un plus fort tonnage emportaient ce qui était spécialement destiné à l'arsenal maritime d'Alger ou aux constructions des maisons de cette ville.
Vers 1820, l'ingénieur de la Karasta, résidant à Bougie, jugea à propos de suspendre l'exploitation forestière chez les Beni Four'al et de ne faire ses commandes qu'aux beni Mimoun. Le chef de la marine d'Alger, ne voyant plus arriver les beaux bois Afarès qu'il avait l'habitude de recevoir, en demanda la cause. L'ingénieur lui répondit que les Beni Four'al avaient planté des vignes au pied de tous leurs arbres et qu'ils refusaient dès lors de les couper. Mais, peu après, ces derniers allèrent directement à Alger réclamer contre la mesure arbitraire qui frappait leur industrie et dévoilèrent que l'ingénieur s'était laissé séduire par une somme d'argent qui lui avait été offerte.

Le Pacha ordonna une enquête à la suite de laquelle la culpabilité de l'ingénieur fut reconnue; les vignes plantées étaient une invention absurde pour favoriser les Beni Mimoun au détriment de leurs rivaux. L'agent prévaricateur eut la tête
tranchée.
L'exploitation de la Karasta était pour la marine algérienne d'une importance telle que les immunités elles faveurs les plus larges étaient accordées il ceux qui en étaient chargés. En pays kabile, les terres de cultures sont très-restreintes; aussi les Beni Four'al obtinrent des Beys et des Pachas le droit de jouissance sur de vastes étendues de terrain dans la province de Constantine, telles que: les Dehemcha, Talha, Hamouïa, Oulad Anan, dans le riche pays du Ferdjioua et même jusqu'aux environs de Guelma, où tout une contrée, qui porte le nom générique de Beni Four'al, est encore habitée de nos jours par des familles de laboureurs envoyées jadis par leurs frères du littoral, pour la coloniser à leur
profit.
Voici entr'autres titres un renouvellement de diplôme établissant leur droit d'usufruit:


Cachet de Braham bey,

Louange à Dieu.

Notre présent ordre fortuné remis entre les mains du porteur le cheikh Mohammed ben 'Aouaz, cheïkh de la montagne de la Karasta et de ses frères les Beni Four'al , constate que la terre des Dehemcha qui leur a été donnée par notre seigneur Ie Pacha est à eux. Nous renouvelons leurs droits sur la dite terre, tels qu'ils étaient établis précédemment. Et cela afin qu'aucun d'entre les Beni Zoundaï, des Richïa (12) ou autres des Deïra (tribus makhzen) ou des tribus ne s'en approche. Celui qui touchera à leur territoire sus-désigné méritera une sévère punition et sa faute retombera sur lui. Que personne n'empiète sur leur territoire, car ils jouissent de la considération la plus complète et du plus grand respect. - Il faut se conformer aux prescriptions du présent. Salut, de la part du très-élevé Braham Bey, que Dieu le fortifie (13).
Une dernière preuve des ménagements dont les gens de la Karasta étaient l'objet est celle-ci :
Le cheikh Derradji de la famille féodale des Oulad 'Achour, qui commande au Ferdjioua depuis des siècles, tracassa les BeniFour'al et leur tua quelques hommes qui s'étaient établis à Tadrart dans le Babor. On s'en plaignit au Pacha qui prescrivit aussitôt au Bey de Constantine d'arrêter Derradji et de le lui envoyer. Le cheïkh du Ferdjioua, malgré sa haute position, fut, en effet, pendant un certain temps, retenu prisonnier à Alger.
Vers les dernières années de la Régence barbaresque, l'exploitation des forêts ainsi que le monopole du commerce qui se faisait à Bougie avec les Kabiles, furent cédés aux Bakri, maison juive d'Alger, qui s'engagea à payer au Pacha une redevance assez élevée. Les Bakri ne traitèrent jamais avec les Kabiles que par l'intermédiaire d'oukils ou représentants, qui, dans un intérêt personnel ou par inaptitude, causèrent un désordre déplorable dans toutes les affaires commerciales du pays. D'après des renseignements recueillis sur place, il résulte qu'un approvisionnement considérable de bois de marine, commandé pour le compte de l'Etat, resta près de trois ans sur la plage de Taza, les Kabiles
L'état déplorable dans lequel étaient tombées les populations de ces montagnes, situation que leur insoumission et la force des choses même maintinrent malheureusement pendant une période assez longue, a cessé du jour où la Société forestière algérienne et autres compagnies industrielles ont pénétré dans le pays. La main-d'oeuvre kabile, utilisée sur une vaste échelle, y a fait renaître l'aisance, et l'exploitation intelligente de ces riches forêts a pris en même temps tout son essor.
(A suivre) refusant de le livrer parce qu'ils n'étaient pas payés comme d'habitude et au prix convenu, par l'oukil des Bakri. Le cheikh El Karasta, Ahmed ben Habilès, et le cheikh El-Marsa de Taza, Embarek des Beni-Maâd, afin de calmer la juste impatience de leurs compatriotes, dûrent se rendre à Alger et exposer leur plainte au Pacha lui-même. Hussein Dey promit de leur donner satisfaction, mais à ce moment nos vaisseaux croisaient et surveillaient déjà les côtes d'Afrique. Les sandales algériennes, exposées à se faire enlever, ne se hasardaient que rarement à prendre la mer. Le cheikh El-Karasta (14) et son compagnon, attendant toujours le départ des bateaux de transport qui devaient se rendre dans leur pays, se trouvaient encore à Alger au moment de sa reddition à l'armée française. Ayant perdu tout espoir, ils s'en retournèrent chez eux par terre. Les Kabiles, mécontents d'apprendre que la chute de la capitale de la régence ruinait leur industrie et les plongeait dans la misère, incendièrent une partie des bois amoncelés sur leurs plages. Néanmoins, en 1833 et 1834, ils s'entendirent avec les patrons de barque de Djidjelli et vinrent à Bougie, que nos troupes occupaient depuis peu, y vendre comme combustible ce qui restait encore de leur approvisionnement de charpentes. Ce commerce était si peu lucratif, qu'il fut bientôt, de lui-même, réduit à sa plus simple expression.

 

L'état déplorable dans lequel étaient tombées les populations de ces montagnes, situation que leur insoumission et la force des choses même maintinrent malheureusement pendant une période assez longue, a cessé du jour où la Société forestière algérienne et autres compagnies industrielles ont pénétré dans le pays. La main-d'oeuvre kabile, utilisée sur une vaste échelle, y a fait renaître l'aisance, et l'exploitation intelligente de ces riches forêts a pris en même temps tout son essor.

 

(à suivre)

 

L. CHARLES FERAUD

 

Notes de l'auteur:


(1) Au commencement de ce travail de M. Louis Féraud, la rédaction a signalé les anciens auteurs qui fournissent quelques notions sur le même sujet. Il convient d'ajouter à ces renseignements ceux que contient le Rapport d'inspection fait en t633 par M de Séguiran (v.Correspondance de Sourdis, t. 3., p. 275, etc.) notamment la déposition de Jaçques Vacou, marchand d'Ollioules, qui dénonce les chrétiens établis à Alger comme receleurs des corsaires, dont Ils achètent marchandises volées aux autres chrétiens, et qui parle de la

contrebande qu'ils font ici de << rames, mâts, toute sorte de bois à bâtir vaisseaux, cordes, toiles, à faire voiles, poudre, plomb, etc. >> sans compter les autres maux que les mauvais Français font en Barbarie.

 

(2) Il y a ici erreur de date: le chevalier d'Arvieux arriva à Bougie le 6 septembre

1674, d'après ce qu'il raconte lui-mêmc dans ses Mémoires. t, 5., p. 80. A la page 236 et suivantes du même volume, il donne en six pages une description de Bougie, qu'il a parcourue librement pendant tout un jour. Mais M Féraud, n'ayant pas ces mémoires sous les yeux, et citant d'après quelque intermédiaire, a été induite en erreur, comme nous l'avons été nous-même, par la même cause, dans nos Epoques Militaires de la Grande Kabilie, ou figure, pour la visite d'Arvieux à Bougie, 1678 au lieu de 1674.  N. de la R

 

(3) Les Oulad Sidi Aïça ben Sidi Moumen, les Oulad Sidi Ben Mohammed Cherif

et autres.


(4) Ali ben Mohamed, dont l'avènement est du 11 décembre 1754, et qui mourut en 1766, s'appliqua, dès son accession au pouvoir, de ranimer la course maritime qu'on avait beaucoup trop négligée selon lui; et comme Il fallait des ennemis à qui en faire l'application. il déclara de but en blanc la guerre à la Hollande et a l'Empire. Dans ces dispositions belliqueuses, il dût s'occuper des constructions navales avec un soin tout particulier. - N. de la R.

 

(5) C'est-à-dire les descendants de Si Mohammed Cherif ben Abdelkader

 

(6) Notre ancien kaïd des Beni Mimoun; Saïd ou Ahmed de la

famille de Ferhat, est le dernier qui ait rempli ces fonctions sous les Turcs.

Les Habilès-ben-'Aouaz des Beni Four'al sont les aïeux de Si Belkacem ben Habilès, kaïd actuel du Babor. Son frère est encore kaïd des Beni- Four'al.

 

(7) Sur la rive du petit port de Taza existent quelques ruines romaines auprès desquelles a été élevée jadis une petite chapelle dédiée à Sidi Mohammed Amokran.

 

(8) La coupe des arbres ne se faisait qu'à la fin de l'hiver lorsque la sève était en repos. Il y aurait lieu d'étudier au point de vue technique s'il n'y aurait pas avantage à imiter les procédés anciens, car on m'assure que les bois de Zan, exploités actuellement par nos compagnies se fendillent et travaillent de la manière la plus fâcheuse au point de faire déprécier nos produits forestiers.

Voici un échantillon des ordres de convocation envoyés aux Kabiles pour leur faire commencer la coupe des bois:

A Si Saïd ben Habilès et Ahmed ben Belkheïr et à la totalité des Beni Four'al, à la réception de notre ordre vous viendrez couper les bois à Karasta destinés au service de l'état.
Les deux délégués (pour percevoir le salaire) seront le cheikh Mohamed et le cheikh Saïd.
Salut de la pari du secrétaire de l'Oukil de la Karasta.

 

(9) Le réal bacita est estimé 2 fr. 50 c. - N. de la R.


(10) C'est une altération de notre mot coursie, bien connu dans le langage maritime ancien, alors qu'on faisait encore usage de galères ou bâtiments à rames. - N. de la R.


(11) Nous devons ajouter que. pour éviter les trop grandes difficultés de transport, les bols étaient coupés le plus près possible de la plage et qu'on ne s'engageait guère trop avant dans la forêt.

 

(12) Les tribus des Beni Zoundal et des Richïa, limitrophes des Dehemcha, sont situées à l'est des montagnes du Babor.


(13) 11 y a eu deux Braham Bey à la tête de la province de Constantine. L'un en 1818 et l'autre en 1821. - La Rédaction fait observer ici que les chroniqnes Indigènes en comptent quatre, mais les deux premiers sont d'une époque trop ancienne pour qu'on puisse leur attribuer ce diplôme.

 

(14) Nous nous apercevons un peu tard que le mot karasta, qui donne
son nom à l'article de M. Féraud et qui s'y reproduit à chaque instant, n'a
pas été expliqué encore au lecteur. En somme, c'est le mot turc

qui signifie des planches, des madriers et autres pièces de charpenterie ou
menuiserie. - N. de la R.

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Références:

 

Revue Africaine, numéro 73
Charles Féraud
Exploitation des forêts de la Karasta, pp 36 - 46

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Vous retrouverez aussi ce récit dans cet ouvrage écrit par Féraud:


Laurent Charles Féraud
Histoire de Bougie
Editions Challamel, Paris, 1869
Cote BNF: MFICHE 8-LK8-1349
ou encore
Editions Bouchène
ISBN 2-912946-28-X