La saga de la karasta, épisode 1
Voici un premier article au sujet de la Karasta (exploitation du bois pour la marine turque:Les turcs considéraient que les plus beaux bois de méditerrannée étaient ceux de la région du Babor). Charles Féraud l'a rédigé pour la Revue Africaine en 1868: cet article est le premier d'une série de trois articles, dans lesquels il fournit toutes les informations en sa possession sur le sujet.
Le thème de la Karasta est central pour ce site, puisqu'autour des enjeux liés au commerce du bois on retouve à la fois la tribu des Beni Foughal et la famille Mokrani.
Vous trouverez aussi sur ce site les 3 autres articles que rédigea Féraud autour du thème de la karasta (karasta 2, karasta 3, karasta 4)
Exploitation des forêts de la karasta, dans la kabylie orientale, sous la domination turque.
Les incursions des pirates barbaresques, qui pendant plusieurs siècles désolèrent le bassin de la Méditerranée, ont été bien souvent décrites et depuis longtemps sont
passées dans le domaine de l'histoire. La biographie du raïs Hamidou, ainsi qu'une foule d'autres récits maritimes, dûs à la plume consciencieuse et infatigable de notre collègue, M. Devoulx, nous
ont également initiés à la vie intime de ces redoutables écumeurs de mer de l'ancienne Régence.
Il existe, à ma connaissance, un important sujet d'étude ayant une certaine connexité avec ce qui précède, qui cependant n'a pas encore été effleuré : je veux parler
des moyens employés par les corsaires algériens pour entretenir leur marine (1).
Si nous étions placés dans l'une de nos villes du littoral, ou plutôt à Alger même, nous pourrions essayer d'approfondir cette question. Au milieu des anciens raïs, il serait possible d'obtenir des
renseignements exacts, mais ce n'est certes pas sur notre roc de Constantine et réduits à nos propres ressources que nous oserions formuler une opinion péremptoire sur un sujet de cette nature.
Notre travail se bornera donc à étudier l'exploitation de la Karasta, nom donné aux bois d'oeuvre en général et, par extension, à tout le pays couvert de forêts qui borde le golfe de
Bougie.
Quoi qu'il en soit, je crois, d'après mes souvenirs, basés sur ce que j'ai lu ou ce que j'ai ouï dire, que les constructeurs algériens proprement dits n'ont jamais
réussi à créer autre chose que des bateaux côtiers, tels que tartanes ou chebeks et, peut-être encore, des bricks; leur science et les ressources locales dont ils disposaient ne leur permettaient
guère de franchir cette limite. S'il leur est arrivé parfois de faire mieux, c'est qu'à prix d'argent, ils ont attiré chez eux des charpentiers européens (2) ou qu'ils ont employé la main-d'oeuvre
d'ouvriers également européens détenus en esclavage. Or donc, je pense que les navires qu'ils possédaient et d'une dimension supérieure à ceux que nous venons d'indiquer provenaient de chantiers
européens.
Les nombreuses captures effectuées sur la marine marchande des états civilisés les mettaient à même de faire choix de bâtiments, qui, après quelques transformations, pour accélérer la vitesse de leur
marche et les disposer au combat, pouvaient être avantageusement utilisés à la course. Venaient ensuite, mais plus rarement, les navires de guerre, corvettes, frégates ou vaisseaux qu'ils parvenaient
à surprendre et à amariner avec des forces disproportionnées
(3). Quant à ceux-ci, il leur suffisait de changer le pavillon, puisqu'ils étaient déjà tout prêts pour l'usage auquel ils allaient être destinés.
Mais, dans leurs campagnes aventureuses, en tenant la mer pendant des saisons entières, à la recherche de riches butins, ces bâtiments, de quelque nature qu'ils
fussent, ne manquaient pas de subir la loi commune, c'est-à-dire d'être tantôt avariés par les tempêtes et tantôt désemparés en s'attaquant imprudemment à plus fort qu'eux. Ils étaient alors obligés
de rentrer au port pour se faire radouber ou faire remplacer les mâts et les vergues emportés dans
le combat. D'où provenaient les bois qui leur servaient à faire ces réparations?
C'est ce que nous apprend la série de documents arabes inédits, dont nous allons transcrire, par ordre chronologique, le texte et la traduction. Ces mêmes documents
éclaircissent certains points de l'histoire locale et nous font connaître les relations commerciales qui existaient entre la capitale de la Régence et les différents ports de la province de
Constantine. Chacun des faits que nous allons relater, quelque insignifiant qu'il paraisse de prime abord, est un gain pour les annales du pays, parce qu'il sert à grouper et à classer d'autres
particularités très-vagues jusqu'alors. Chacun de nous apportant ainsi sa pierre à l'édifice, la période de la domination turque, si vague jusqu'à présent, se reconstruira peu à peu jusqu'au jour où
une main habile en réunira les matériaux dans une oeuvre d'ensemble.
Il est de mon devoir, avant de terminer ce préambule, de remercier M. le capitaine Le Noble, chef du bureau arabe de Djidjeli. Sans son intervention gracieuse et empressée, il est probable que les
vieux manuscrits arabes, lettres, chartes et diplômes, émanant des Pachas et des Beys, sur lesquels j'ai copié fidèlement la trentaine de textes qui vont suivre, n'auraient pas vu le jour et auraient
été perdus pour l'histoire (4).
Constantine, mai 1868.
1.
La région montagneuse connue sous le nom de Kabilie Orientale, qui borde le littoral de notre province, est, sans contredit, celle qui possède les plus belles forêts
de l'Algérie. Une puissante végétation la couvre de verdure; autant le versant Sud parait fauve et aride, autant la partie qui fait face à la mer est
pleine de sève et de vie; sur de hautes collines sillonnées par de profonds ravins où murmurent constamment des eaux qui tombent en cascades, abondent le pin, le cèdre et toutes les variétés de
chênes mélangés à une infinité d'autre essences. Mais l'arbre le plus estimé à cause de ses qualités résistantes et aussi par les dimensions majestueuses qu'il atteint dans certains cantons,
notamment aux Beni Four'al, c'est le chêne zan dit alfarès (quercus
castaneifolia), dont la société forestière algérienne tire aujourd'hui un si utile parti (5). Ces riches forêts furent-elles ou non exploitées jadis, surtout à l'époque de la toute puissance et de la
plus grande splendeur du royaume de Bougie, sous les princes de la dynastie Hammadite? C'est ce que nous ne chercherons pas à savoir pour le moment. Les documents indigènes dont nous allons nous
occuper ne remontant pas au-delà du 16ème siècle, c'est-à-dire au temps des Turcs, nous devons observer nous-même cette limite.
Le rideau de montagnes que nous venons de décrire sommairement a pour habitants une population berbère au caractère indépendant, quelque peu sauvage même à cause de ses luttes permanentes contre
toute domination étrangère, mais qui possède le plus remarquable ensemble de qualités: elle est
intelligente et, par dessus tout, laborieuse. Les Turcs ne purent jamais les réduire par la force et avaient même renoncé à l'espoir de la soumettre. Ils ont dû, bien des fois, payer de fortes
rançons pour obtenir la mise en liberté de matelots de leur marine naufragés sur leurs côtes. Se mettre donc en relations
commerciales avec ces kabiles et obtenir d'eux la faveur de pénétrer dans leur pays, pour tirer profit des produits naturels qui y abondent, n'était pas chose facile. Cependant, les Turcs y parvinrent à l'aide des marabouts de la contrée même, auxquels ils constituèrent des droits seigneuriaux. Laissant de côté toute question d'amour-propre, quelquefois aussi de dignité, les Beys et les Pachas n'hésitaient pas, dès qu'ils avaient reconnu leur impuissance matérielle, à se servir d'un argument à toute époque irrésistible chez les indigènes: celui de la corruption. L'appât du gain ou d'ambitions à satisfaire leur attirait ainsi de nombreux partisans. Du reste, tous les moyens étaient bons alors pourvu qu'ils réussissent. Les Osmanlis, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans un autre travail, avaient une confiance peu solide dans les vertus spirituelles de ces prétendus santons, ils n'hésitaient pas à leur faire trancher la tête quand ils les gênaient, mais ils les traitaient aussi avec certains égards, pour ménager, flatter, dirais-je même, leur susceptibilité et s'en faire ainsi des alliés toutes les fois qu'ils en avaient besoin. Leur concours était très-utile pour calmer les esprits et faire pénétrer leur influence dans les masses.
A près que le pacha Salah Raïs, en 1555, eût arraché Bougie aux Espagnols, qui l'occupaient depuis quarante-cinq ans, un petit détachement de troupes turques, dont l'effectif dépassa rarement une
centaine de janissaires, tint garnison dans les trois forts qui défendent cette vi1le. Avec des moyens d'action aussi faibles on ne pouvait guère se hasarder à courir la campagne, dans un pays d'un
accès difficile, habité surtout par des populations éminemment guerrières et jalouses de leur indépendance traditionnelle.
Les Turcs voulant, néanmoins, étendre leurs relations dans la contrée se firent un allié du personnage religieux qui semble être celui qui, vers le 16me siècle, exerça le plus d'influence dans le
pâté montagneux compris entre Bougie et Djidjeli. Ce personnage n'était autre que Sidi Mohammed Amokran (6), dont le
tombeau, abrité par une charmante petite koubba, se voit encore de nos jours auprès de Bougie, au milieu des bosquets de grenadiers. Il était de la famille des
Mokrani, seigneurs, d'abord religieux puis politiques, de la Medjana, de laquelle j'ai préparé une monographie que j'espère publier plus tard. Ce travail entre dans des développements historiques que
je ne crois pas à propos de répéter
ici. Je me bornerai à dire, cependant, pour l'intelligence de ce qui va suivre, que les Mokrani font remonter leur origine à Mahomet, conséquemment qu'ils seraient cherifs. Un de leurs ancêtres, Si
Ahmed ben Abd er-Rahman, fonda au 16me siècle un petit royaume kabile, dont la Kalaâ des Beni Abbas devint la capitale. Le fils de ce dernier, Abd el-Aziz, est le guerrier intrépide et chevaleresque
tant vanté par Marmol, qui succomba glorieusement en défendant son pays contre l'agression des Turcs. Après lui régna son frère, Ahmed Amokran, dont le titre de grand ou de chef servit désormais de
nom patronymique à ses descendants. Son fils, Sidi Nacer, lui succéda vers l'an 1600 de notre ère, mais il fut assassiné par ses propres sujets de la fraction des Oulad Hamadouche et avec lui
disparut la petite royauté de la Kalaâ des Beni Abbas.
Sidi Nacer laissait plusieurs enfants. L'un d'eux nommé Sidi Betka, nous ignorons s'il était l'aîné de la famille, fut sauvé par les Hachem, fidèles serviteurs de son père infortuné, qui le
conduisirent en sûreté dans la Medjana. Là, il devint la souche des Mokrani qui habitent toujours ce pays. Un autre enfant fut emporté
par sa mère dans la vallée de Bougie, à Amadan, dépendance de la tribu des Beni bou Mçaoud, sur la rive gauche de l'Oued Soumam, à sept lieues environ de la ville de Bougie. C'est là, de son côté,
que cet enfant, nommé Mohammed Amokran, grandit et ne tarda pas à acquérir une certaine influence sur les peuplades kabiles, en raison de son illustre origine et des vertus religieuses dont il était
lui-même doué.
Le chef de la garnison turque de Bougie entra en relations avec Si Mohammed Amokran et dût lui prodiguer toute sorte de faveur, car la tradition locale rapporte que
le saint marabout abandonna la zaouia qu'il avait fondée chez les Beni bou Mçaoud pour aller habiter Bougie, où il continua à résider jusqu'à sa mort. Il laissa cinq enfants (7). Nous ne nous
occuperons que du dernier, Si Abd el-Kader, au nom duquel sont établis les diplômes les plus anciens que nous ayons entre les mains; il en existe d'autres, me dit-on, qui leur sont antérieurs, mais
ceux-là se trouvent à la zaouïa d'Amadan, où nous avons échoué dans nos
démarches pour en obtenir communication.
Si Abd el-Kader ben Mohammed Amokran, marchant dans la même voie que son frère, rendit d'utiles services aux Turcs et, ceux ci, pour l'en récompenser, lui accordèrent les faveurs que constate un
premier diplôme dont voici le texte et la traduction (8):
TRADUCTION
Cachet d'El-Hadj Mohammed ben Mahmoud Pacha (9) :
Louange au Dieu unique !
Que Dieu répande ses bénédictions sur votre seigneur et notre maître Mahomet, sur sa famille et sur ses compagnons. Salut.
» Faisons savoir à quiconque verra cet ordre généreux, cet écrit manifeste, resplendissant, aux illustres beys, à la totalité des kaïds, les agents du gouvernement, les notables et la masse du peuple
et tous les fonctionnaires de
la province de l'Est (de Constantine). Que Dieu les fasse tous prospérer; - que
le porteur du présent, le très-illustre, le docteur en droit, très-glorieux, le sied,
le maître élevé, béni de Dieu, le sied Abd el Kader fils de feu le saint, le vertueux, le sincère chef mystique, le cheikh béni, Sidi Mohammed Amokran; - que Dieu
nous fasse participer aux grâces qu'il lui a accordés et nous élève à son niveau.
<< Nous lui avons accordé la totalité de la tribu des Berbacha, qui se subdivise en trois fractions: la première, dite des Oulad Abd Allah, la seconde, nommée Berri et la dernière, qui relie
les deux précédentes, est nommée Berbacha (10).
<< Leur totalité deviendra (territoire) zaouia et sera comprise dans l'ensemble des zaouia (du porteur du diplôme).
Elles seront toutes constituées habous en sa faveur et en faveur des descendants de ses descendants qui bénéficieront de leur impôt et de leur zekkat. Nous les avons retirées de l'autorité des beys
commandant les corps de troupe dans la province de l'Est, ainsi que des fonctionnaires gouvernementaux de ladite province.
» Par ordre du très-illustre, très-élevé, notre seigneur le Doulatli El-Hadj Mohammed Pacha. Que Dieu le protége par sa bonté. Amen.
<< A date du milieu du mois de Djoumad Tani, de l'an 1093
(juin 1682).
Le diplôme qui précède fut ensuite renouvelé par d'autres titres exactement semblables en faveur des descendants de Sidi Abd el-Kader ben Mohammed Amokran. Nous ne croyons pas utile de les reproduire
par la raison qu'ils sont copiés textuellement sur le premier. Il convient cependant d'indiquer le nom des
titulaires de ces diplômes, ne serait-ce que pour prendre note de la famille des Amokran.
1° Au mois de Djoumada 2me de l'année 1107 (1695) El- Hadj Ahmed Bey (11) renouvelle les privilèges accordés sur les trois fractions des Berbacha en faveur de Si Mohammed, fils de feu Abd el Kader.
2° Au mois de Moharrem 1109 (juillet 1697) Hussein Dey délivre un nouveau brevet semblable au précédent au même Si Mohammed ben Abd el-Kader (12).
Voici maintenant le premier document qui fait mention de l'exploitation de la Karasta.
TRADUCTION
<< Louange au Dieu unique!
<< Faisons savoir à quiconque lira cet ordre généreux, cet écrit manifeste, élevé dans son but et dans sa portée, d'entre les beys de la province de l'Est, la totalité des kaïds et des agents
du gouvernement, les notables et la masse du peuple, tous ceux qui administrent les populations dans celle ville d'Alger, la bien gardée de Dieu très-haut, ainsi que ceux de la ville de Bougie, que
Dieu les affermisse, les maintienne dans un bon esprit et dans la meilleure des gestions;
" (Faisons savoir) que nous avons laissé tomber nos faveurs sur le porteur du présent brevet, l'honorable, le respectable, béni de Dieu, Si Mohammed Cherif, fils de celui qui a obtenu la miséricorde du Dieu vivant et immuable, le sanctifié, qui s'est voué à la divinité, le cheikh Sidi Abd el-Kader, fils de Sidi Mohammed Amokran. Nous l'avons mis à la tête de toutes ses zaouia et nous l'avons élevé à ce poste en remplacement de son père sus-désigné. Il sera à son lieu et place et aura la haute gestion des affaires desdites zaouïa. Elles seront toutes sous sa surveillance, son autorité et son nom. Nous les avons entièrement abandonnées entre ses mains afin qu'il jouisse de leurs revenus, suivant en cela l'usage consacré et l'habitude bien connue de la part de leurs saintetés les anciens marabouts ses aïeux qui l'ont précédé. Nous lui avons également accordé la zaouÏa des Beni bou Mçaoud (13), que nous avons constituée en habous en sa faveur, puis en faveur de ses descendants. Nous lui avons fait ce don en vue de plaire au Dieu sublime, dans l'espérance d'obtenir ses récompenses infinies et à cause de la nourriture qu'il distribue charitablement aux pauvres et aux malheureux.
<< Nous lui avons accordé (l'autorité sur) la totalité de la population des zaouia susdites et principalement de celle de la zaouÏa des Beni bou Mçaoud. Ces populations seront toutes sous sa
surveillance, sous son nom et son autorité.
1) De même, nous l'avons substitué à son père pour les affaires du gouvernement dans ladite ville (de Bougie) et dont il aura à s'occuper: telles que les affaires de la Karasta autres dont il est
chargé, sans qu'il éprouve aucune entrave; il sera l'objet du respect, de la considération et des égards qui lui sont dûs, en sorte qu'aucune atteinte ne soit portée à sa dignité. Nul ne pourra
empiéter sur ses privilèges ni sur ce qui dépend de la totalité de ses zaouia. Nul ne pourra non plus imposer aux habitants des zaouia aucune des charges exigées par l'état.
<< Par ordre de l'Altesse, le très-grand Doulat1i Si Moustafa Dey
(14).
<< A la date de la fin du mois de Heudja sacré de l'an 1114 (mai
1702).
Au dos de cette pièce est le cachet du dey.
Le titre qui précède est renouvelé en faveur du même personnage :
1° Au commencement du mois de Safer 1119 (1705) par
Mohammed Dey, dit Kerrache (15).
2° Au deuxième tiers de Djoumada 2me de l'an 1122 (1710) par
Ali Dey (16).
3° En 1123 et 1125 par le même dey.
4° En 1131 par Mohammed Pacha (17).
5° A la fin du mois de Safer de l'an 1136 (1723) par Mohammed
Pacha. Dans ce nouveau diplôme le nom de la tribu zaouïa est écrit
Bourbacha
au lieu de Berbacha
comme dans les précédents. La fraction de Berri n'y figure plus et est remplacée. par celle de Bou Rouman
de la même tribu.
L. Charles Feraud, Interprète de l'armée.
( à suivre)
Notes de l'auteur:
(1) Les anciens auteurs européens qui ont traité de l'esclavage des chrétiens dans ce pays, comme Haedo, Marmol, Aranda, surtout ces deux derniers qui en avaient fait
personnellement l'expérience, ont donné de
précieux renseignements sur le sujet dont il s'agit ici. Du temps d'Haedo,
les constructeurs maritimes d'Alger tiraient le bois des montagnes de
Cherchel (Topografia de Argel, p. 16). - N. de la R.
(2) C'étaient les esclaves chrétiens qui allaient couper les bois de
construction maritime et les mettaient en oeuvre; ce qui fait dire à Haedo
(loco citato) : << Si les ouvriers chrétiens venaient à manquer aux Turcs,
ceux-ci n'auraient peut-être pas un navire! » - N. de la R.
(3) Ils n'en prenaient que trop - et souvent sans la supériorité du nombre -
dans le 16e siècle, époque de leur splendeur maritime, quand ils étaient
commandés par des hommes de mer comme les deux Barberousse,
Dragut, etc, Voir cette partie des annales d'Alger dans l'ouvrage déjà cité
d'Haedo. - N. de la R.
(4) Ces documents appartiennent à Si Mohammed ben Amokran, kaïd de
la tribu des Beni Siar, de Djidjeli.
D'autres, dont il sera également question plus loin, sont les papiers de
famille de Si Abd er-Rahman el-Fergani, khodja du bureau arabe de
Djidjeli .
(5) Les habitants des Beni Four'al me disent qu'il existe dans leurs
forêts un chêne Afarès qu'ils nomment Tacha Ou Tachta, réunissant les
meilleures qualités. Son bois est plus dur, plus résistant et d'une couleur
plus foncée que l'Afarès ordinaire. Sa feuille, plus large et d'un vert plus
foncé, persiste davantage sur la branche. C'était celui que préféraient les
turcs pour leur marine. Je suppose que c'est un arbre du genre du Rouvre
d'Europe
(6) Amokran
que les Arabes prononcent mokran, d'où est venu Mokrani, est un mot berbère dérivant du radical moker
qui signifie être grand et, par extension, être chef. On l'emploie aussi dans l'acception de l'ainé, le plus âgé. Par opposition, ils disent Amzian, du radical mzi, être petit, le cadet, le plus jeune.
(7) Il laissa:
1° Un fils de nom inconnu, qui resta dans la zaouÏa des Barbacha, dont nous allons parler plus loin.
2. Le second fils s'établit chez les Beni Smaïl, de Sétif, et émigra ensuite en Tunisie.
3° Le troisième retourna dans la Medjana auprès de ses cousins. C'est ce qui a fait dire, par erreur; que les Mokrani de la Medjana descendaient de lui; la simple vérification des dates démontre le
contraire.
4° Si el-Mihoub, qui s'établit chez les Ouled Nabet, kaïdat des Tababort. Ses descendants sont encore aujourd'hui près de Ziama.
5° Et, enfin, Si Abd el Kader, dont nous nous occupons dans ce travail.
(8) Je reproduis exactement tous ces textes arabes, sans corriger même les fautes d'orthographe qu'ils contiennent
(9) El-Hadj Mohammed ben Mahmoud, surnommé El Triki, fut le premier gouverneur d'Alger choisi à l'élection par les janissaires, sous le titre de doulatli et de dey. Son règne, commencé en 1671, finit par sa fuite, que certaines autorités placent en 1681, mais qu'il faut reculer jusqu'à l'année suivante, d'après le présent acte, - N de la R.
(10) La tribu des Berbacha est située à 9 lieues Sud de Bougie, sur la
rive droite de la vallée. Les fractions des Oulad Abd Allah et de Berri,
près de l'Oued Amizour, portent aujourd'hui encore les mêmes noms.
Elles font partie de la confédération des Djebabra, sous les ordres des
Oulad ou Rabah. Ce pays est riche en céréales, en oliviers et en arbres
fruitiers.
(11) Ce gouverneur d'Alger, qui régna de 1695 à 1698, est, appelé El
Hadj Abmed ben el-Hadj Mosli, sur son tombeau, à la mosquée de
Sidi Abd er-Rahman el-Thalebi. - N. de la R.
(12) Hassan Karabar'li - et aussi Hassan Chaouche. parce que lors de son
élection il était chef des chaouches - régna de 1608 à 1700. - N. de la R.
(13) Le territoire de la zaouîa des Reni bou Mçaoud, situé sur la rive gauche de la Soumam, comprend sept villages. Le principal est celui d'Amadou où réside encore une branche de la famille des O. Amokran.
(14) Moustafa Dey - surnommé Alchi ou le cuisinier - régna de 1700 à 1706. - N. de la R.
(15) Il y a ici erreur de date et de nom, car il s'agit évidemment de Mohammed
Bakdache, qui fut dey d'Alger de 1707 à 1710. Nous puisons les éléments de cette double rectification .tans le Tohfat el-Mardhïa fi'd Daoul el-Bakdachïa
(l'hommage agréable sur le règne de Bakdache (m° 379 de la Bibliot. d'Alger). - N.de la R.
(16) Cet Ali, qui a les surnoms de Bache Chaouche (chef des chaouches),
d'Ouzoun (le long) et de Bou Seba (l'homme au doigt absent), parce que. dans une dispute à propos d'une femme, il avait perdu un pouce, fut le premier gouverneur d'Alger qui cumula les titres et les
fonctions de pacha et de dey. La suzeraineté de la Porte Ottomane à partir de son règne se borna donc à l'envoi du caftan d'investiture en échange des cadeaux adressés à Constantinople par le nouvel
élu.
Ali bou Seba régna du 14 août 1710 au 13 avril 1718. - N. de la R.
(17) Mohammed ben Hassan, khaznadji, est élu dey-pacha le 13 avril 1718 et assassiné à la porte de la Marine le 18 ma, 1724. - N. de la R.
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A propos de l'auteur:
Charles Féraud fut interprète principal de l'Armée d'Afrique, puis consul et ministre plénipotentiaire. On connaît surtout ses talents d'écrivain et d'historien de l'Afrique du Nord, mais il fut
aussi un dessinateur et un peintre de talent.
Il fut un des contributeurs majeurs de la Revue Africaine, et s'attacha article après article à reconstruire l'histoire de Constantine et de sa région. La liste de ses livres est longue -
l'oeuvre de Féraud est une somme d'informations impressionnante qui va de l'étude du language à la description de chantiers de fouilles romaines - le plus gros des informations étant des informations
historiques.
Si vous voulez en savoir plus sur Charles Féraud, vous pouvez aller ici
Vous pouvez télécharger un des livres de Féraud, 'Histoire de La Calle', sur le superbe site Algérie Ancienne . Ce site est un
in-con-tour-na-ble, dans lequel vous trouverez une grande partie des livres anciens constituant la bibliothèque 'de base' sur l'Algérie ancienne...
Références:
Revue Africaine, année 1868, 12e année (numéro 71)
Charles Féraud
Exploitation des forêts de la Karasta, pp 378 - 390
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