Les panthères à Beni Foughal, et plus loin

Voici un passage tiré du livre de Manuel Bugéjà qui est cité plusieurs fois dans ce site.

 

 

 

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Passage concernant la forêt d'Acherit et Cap Aokas

 

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La forêt d'Acherit, alors très peuplée d'arbres de diverses essences, notamment des chênes, avec un sous-bois très touffu envahi par des lauriers-sauce et les lauriers roses qui garnissaient même le bord des ravins, s'étendait sur un terrain quelque peu marécageux. Cette forêt était un refuge de panthères. Je me souviens que, certain jour, les voyageurs qui se trouvaient dans la diligence, virent un de ces fauves traverser la route, se dirigeant vers la forêt de chênes-liège de Beni-M'hamed et Beni Hassen. Les chevaux, tremblants sur leurs jambes, restèrent un moment cloués sur place et il fallut force coups de fouet pour les décider à continuer la route.
Nous mêmes avons souvent constaté  les traces du passage de penthères, au cours de promenades dans les environs du bordj.
C'est ainsi qu'au cours d'une partie de chasse dans la paline de Sidi-Réhane, il nous arriva de nous glisser, M D'Audibert et moi, dans cette forêt impénétrable. Nous nous y trouvions depuis une demi-heure environ, quand tout à coup M D'audibert me dit:
- Bugéja! Ne continuons pas. Il y a une panthère par là. En effet, des traces fraiches d'un fauve se voyaient ça et là
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Au cours de mon séjour dans cette commune mixte (ndlr commune mixte d'Oued Marsa, avec
Cap Aokas comme chef lieu de la commune) , les indigènes de la région eurent la joie d'abattre quatre de ces fauves.
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Outre les peaux dont les indigènes eurent la libre disposition, on gratifia les chasseurs d'une prime de 40 francs qui fut versée par la commune.
Les kabyles recherchaient les peaux de panthère pour pratiquer la chasse au "lisar''. Cette chasse consiste à se dissimuler dans une peau de panthère  et à avancer lentement, presque en rampant, le fusil en joue. A cette vue, les perdrix accourent et se mettent à virevolter devant le fauve. Lorsque plusieurs se trouvent ainsi devant le champ visuel du chasseur, celui-ci décharge alors son arme. Il abat, de la sorte, à chaque fois, trois ou quatre perdrix.
J'ai assisté plusieurs fois à cette sorte de chasse. Les résultats étaient toujours intéressants. A défaut de peaux de panthères, certains chasseurs kabyles se confectionnent avec de la toile peinte une imitation de peau de fauve, assez bien réussie.
A l'époque, le territoire de la Commune mixte était couvert de forêts de chènes-liège magnifiques, et les panthères frayaient librement, et comme elles étaient peu chassées, leur reproduction devenait un problème inquiétant.
Au douar Beni Hassein, le khodja du caïd en tua une à quelques pas de son habitation.
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Passage concernant Beni Foughal
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Monsieur du Camper réservait cette tournée pour plus tard, car il avait en vue  de rendre visite à ses collègues de Djidjelli, de Taher et de Fedj'M'Zala, toutes communes limitrophes.
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Un beau matin, monté sur son petit cheval bai, et moi sur mon grand cheval gris-fer, nous partîmes pour le Babor.
Nous arrivâmes chez le caïd Belacem (ndlr: Belkacem) Ben Habyles après 6 heures de cheval. Nous nous mîmes aussitôt à table et à peine avions nous terminé de déjeuner à la hâte que M Du Camper me dit:
- Mon petit, il faut que nous allions ce soir coucher à Djidjelli.
C'est ainsi que sans répit, nous avons traversé tous les territoires du Babor, des Beni Foughal et autres douars, pour arriver à Djidjelli par le col de Texenna le soir même.
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Mais M. Du Camper devant prendre une autre direction au retour, m'avait déclaré:
- Je voudrais bien que demain soir vous soyiez de retour à Takinount.
Je me devais d'accéder autant que possible à son désir.
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Je partis aussitôt.
La nuit m'atteignit en route. Je me trouvais avec mon cavalier d'escorte aux Beni Foughal. Alors que j'en traversais la belle forêt, j'entendis un bruit insolite.
Mon cheval s'arrêta net, se cabra, puis se mit à trembler de tous ses membres.
Malgré les coups d'éperon, il refusait d'avancer.
Je questionnais mon cavalier d'escorte sur la raison d'une telle obstination chez une bête, d'habitude docile.
- Arrilès (il y a une panthère) , me répondit-il.
A peine m'avait-il dit cela, que les broussailles s'agitèrent et qu'un indigène en émergea brusquement. Il était armé d'un fusil et d'un grand sabre.
Parvenu à quelques pas de nos montures, mon cavalier d'escorte reconnut Amar Ben Habyles, caïd du douar de Beni Foughal et frère du caïd du Babor.
Il était lancé à la poursuite d'une panthère qui venait de lui ravir un agneau.
Il nous reconnut également et s'adressant à moi:
- il ne faut pas continuer votre route. Vous aller dîner chez moi, mon habitation est à proximité. Vous y coucherez.
J'acceptai volontiers, car mon cheval ne s'était pas encore calmé et aussi parce qu'il est toujours prudent de suivre les conseils des indigènes du lieu...
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 Références:
Manuel Bugéja, "Souvenirs d'un Fonctionnaire Colonial", 1939, Editions internationales, Tanger.
Cote: 4 LN27 82344 , Bibliothèque Nationale de France

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