Jules Gérard, le chasseur de lions (1/2)

Voici une anecdote sur les Beni Foughal de guelma, trouvée dans les Mémoires de Jules Gérard, maréchal des logis chez les spahis, qui devint un grand chasseur de fauves. Il devint vite célèbre, et sillonna l'Algérie à la recherche de lions; certaines tribus firent d'ailleurs appel à lui pour les aider à se débarrasser de lions ayant établi leurs quartiers trop près des habitations ou des troupeaux.
C'est ce même Jules Gérard qui servit plus tard de modèle à Alphonse Daudet pour le personnage de Tartarin de Tarascon.

 

 

On trouvera dans ce livre beaucoup de choses approximatives, et la description que fait Jules Gérard du mode de vie des animaux est parfois surprenante. Mais au global le livre est assez intéressant: il rencontra un beau succès, le mélange 'exotisme-héros-indigènes-fauves' ayant de quoi appâter le lecteur...

 

Voici une péripétie à laquelle Gérard ne fut pas mêlé, mais qui lui fut racontée; il la retranscrit dans ses mémoires, et les Beni Foughal de Guelma sont partie prenante dans cette affaire (pages 29-31):

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Les arabes qui ont connaissance d'une portée de lions, d'abord parce qu'ils ont vu la lionne prête à mettre bas, ensuite parce que le bétail enlevé prend chaque jour le même chemin, profitent du moment où la lionne sèvre ses petits pour les lui ravir.

A cet effet, ils se postent pendant des journées entières sur un mamelon ou un arbre qui domine le repaire, et, dès qu'ils voient la lionne s'éloigner, sûrs que le mâle n'est pas auprès des lionceaux, ils arrivent jusqu'à eux en se glissant à travers bois, les enveloppent du pan de leurs burnous pour étouffer leurs cris, et les portent à des cavaliers qui les attendent sur la lisière de la forêt pour partir ventre à terre, les hommes en croupe et les lionceaux devant eux. Cette manoeuvre est dangereuse, et, entre autres exemples, je citerai le suivant:

Pendant le mois de mars de l'année 1840, une lionne vint déposer ses petits dans un bois appelé El-Guéla, situé dans la montagne de Mezioun, chez les Zerdezah. Le chef du pays, Zeiden, fit appel à Sedek ben Oumbark, cheikh de la tribu des Beni Fourral, son voisin, et, au jour convenu, trente hommes de chacune des tribus se trouvaient réunis sur le col de Mezioun, à la pointe du jour.
Ces soixante arabes après avoir entouré le buisson dans tous les sens, poussèrent plusieurs hourras, et, ne voyant pas paraître la lionne, ils pénétrèrent dans les bois et prirent les deux jeunes lionceaux.
Ils se retiraient bruyemment, croyant n'avoir plus rien à craindre de la mère, lorsque cheik Sedek, resté un peu en arrière, l'aperçut sortant du bois et se dirigeant droit vers lui.
Il se hâta d'appeler son neveu Meçaoud et son ami Ali-Ben-Braham, qui accoururent à son secours. La lionne, au lieu d'attaquer le cheik, qui était à cheval, fondit sur son neveu, qui était à pied.
Celui-ci l'attendit bravement et ne pressa la détente qu'à bout portant.
L'amorce seule brûla.

Meçaoud jette alors son fusil et présente à la lionne son bras gauche enveloppé de son burnous.
Celle-ci le saisit et le broie, pendant ce temps, ce brave jeune homme, sans faire un pas en arrière, sans pousser une plainte, saisit un pistolet qu'il portait sous son burnous et force lalionne à lâcher prise en lui mettant deux balles dans le ventre.
Au même instant elle s'élance sur Ali Ben Braham, qui lui envoie inutilement une balle dans la gueule; il est saisi aux deux épaules et terrassé, il a la main droite broyée, plusieurs côtes mises à nu, et ne doit son salut qu'à la mort de la lionne, qui expire sur lui.
Ali Ben Braham vit encore, mais il est estropié.
Meçaoud est mort vingt-quatre jours après cette rencontre.

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Vous pourrez trouver dans ce livre plusieurs épisodes de chasse au lion, et la description des méthodes traditionnelles utilisées par les tribus pour chasser le lion:
- méthodes 'passives' (fosse, affût)
- méthodes 'actives' utilisées par seulement trois tribus dans la province de Constantine, dont les Ouled Cessi (Ouled Sassy), tribu intégrée au caïdat de Beni Foughal de Guelma. Jules Gérard leur consacre plusieurs pages, et il cite un long épisode de chasse auquel il a participé, louant le courage des homme de cette tribu (pages 50 à 82). Je vous en conseille la lecture!

Reférences
Jules Gérard
La chasse au lion
Paris, librairie nouvelle, 1855.
Remarque: Jules Gérard a dédié ce livre ... au Maréchal Randon.
Ce livre est téléchargeable sur Google Books ici ou : attention, pour le premier lien indiqué, la configuration est bizarre, le livre figure en 2e partie d'un ouvrage sur Sébastopol... Mais le téléchargement fonctionne (on télécharge les 2 livres d'un coup). Et pour la recherche par mot-clefs en ligne sur google books, attention, il faut taper 'fourral'.
Ce livre a été édité plusieurs fois et plusieurs versions circulent, plus ou moins longues et plus ou moins romancées. Beaucoup de copies circulent sur ebay, Chapitre, Amazon...