Remarque basée sur 'etude de la Kabylie', de Carette

Voici aujourd'hui un article qui ne concerne pas directement la tribu des Beni Foughal, mais qui montre dans quelle direction on peut essayer de creuser la piste Ifogha.

J'ai trouvé sur Google Books un livre intitulé 'Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842' . Ce volet (il en existe plusieurs) a été rédigé par Carette, découpé en quatre livres, il est consacré à l'étude de la Kabylie.

 

 

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Ce qui est plus particlulièrement intéressant est le premier livre, consacré à la dénomination géographique et ethnographique en Kabylie. En ce qui concerne l'ethnographie, Carette consacre une étude aux noms patronymiques, une autre aux noms de tribus, et s'arrête en particulier sur la valeur historique à donner aux dénominations (page 106):

 

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Si les altérations introduites dans les noms de tribus par les orages de leur destinée et le hasard de leurs déplacement; si les désinences, tantôt arabes, tantôt berbères, si les formes, tantôt familiales, tantôt communales, jettent, au premier abord, de la confusion dans la nomenclature, il faut reconnaître cependant qu'elles acquièrent une valeur historique dès qu'on est parvenu à discerner le type original dans le type adventice.
Chaque nom porte réellement avec lui sa traduction et son commentaire; quel que soit le point d'arrivée de la tribu, la racine du nom en fait connaître le point de départ. Les désinences elles-mêmes conservent souvent la trace des vicissitudes qu'elle a dû éprouver.
Ainsi se révèle, dans l'éparpillement des mots, la loi fatale qui a présidé à l'éparpillement des hommes.
A diverses époques, des courants violents ont traversé l'Afrique du Sud au Nord et du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest et de l'Ouest à l'Est. La nomenclature géographique porte l'empreinte de leur passage.
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Le courant de l'Ouest à l'Est, qui correspond à la renaissance berbère dans la dynastie des Almoravides, est celui qui a laissé les vestiges les plus nombreux et les plus remarquables.
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Les mouvements du Sud au Nord et du Nord au Sud ont aussi laissé quelques points de repère. Nous en trouvons un dans la tribu kabyle des Beni Ir'at'en; car l'analyse de ce nom rapporterait à une émigration venue de R'at l'origine de la tribu. R'at est, comme on sait, une ville située au delà de R'dâmes (Ghadamès), sur la lisière du Soudan; elle appartient aux Touareg, les Kabyles du désert. Il résulterait de ce rapprochement qu'à certaines époques les Berbères du grand désert et ceux de la côte auraient pu se tendre la main à travers l'immense espace qui les sépare, et se réunir par des colonies. Au surplus, il règne à R'at une tradition qui ajouterait de la vraisemblance à ce fait, c'est qu'autrefois des caravanes assez nombreuses s'acheminèrent vers le Nord et ne revinrent jamais au pays natal.
Entre la Kabilie et la région des oasis, les échanges ne peuvent être révoqués en doute. Témoin la colonie kabile des Beni 'Azzoug, établie au Zîbân, dans le village d'El Bordj, et les colonies sahariennes d'Ibiskrien, et de Taouri't-n-aït-Gana, établies dans la Kabilie.
Nous avons déjà fait connaître ailleurs l'exemple remarquable de migration fourni par les Arib, qui, du fond du désert, se sont avancés jusqu'à la Méditerrannée.
L'examen des dénominations ethnographiques fournit une nouvelle preuve de ce fait intéressant, et permet, jusqu'à un certain point, de suivre leur route. La tradition rapporte que, dans leur mouvement d'émigration, ils firent un premier séjour vers la ligne où le Sahara confine au désert; mais elle n'en dit pas d'avantage. La nomenclature, plus explicite, indique le point où ils durent s'arrêter. C'est dans la ville de Ngouça, où l'on trouve un quartier compris sous le nom d'Oulâd El Aribi (les descendants de l'Aribien) qui fait à peu près un tiers de la population. Ngouça, appartenant à l'oasis d'Ouaregla, se trouve sur la ligne que les émigrants devaient parcourir.
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L'hypothèse à creuser dans le cadre de l'exploration de la 'piste Ifogha' est donc bien la suivante: déplacement d'une colonie / d'un sous-groupe Touareg Ifogha, avec un premier arrêt à la lisière du désert, dans un endroit qui a pris en conséquence une dénomination ethnographique qui en porte la trace: Foughala. Puis dans une deuxième étape, un avancement jusqu'au bord de la Méditerrannée.
Comme déjà dit, la connaissance des routes anciennes Nord-Sud utilisées par les caravanes pourrait nous aider à y voir plus clair pour les Foughal de la région de Jijel - voire même pour les Fourhal du Maroc, et les Foughal de Gouraya cités par Cauvet.

 


Références
Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842
Etudes sur la Kabylie proprement dite, par E. Carette (livre premier)
Paris, Imprimerie Nationale, 1848